« Si elle ne se protège pas, personne d'autre ne le fera »
De nouvelles recherches mondiales montrent que les normes de genre négatives banalisent la violence et privent les filles de leur liberté.

Des normes de genre profondément enracinées déterminent la manière dont les filles perçoivent la violence et le harcèlement sexuel. Par conséquent, elles sont plus exposées à des abus et ont moins de liberté. Plan International, l'organisation de défense des droits des filles, le démontre dans une étude récente. À la veille des « 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre », il est important non seulement de réfléchir aux souffrances causées par ces normes, mais aussi de les combattre.
Le rapport We Shouldn't Have to Walk with Fear (« Nous ne devrions pas avoir à marcher dans la peur ») montre comment les filles grandissent dans un monde qui les tient responsables de la violence (y compris sexuelle) qu'elles subissent. Bien que ce soit un problème social, les filles entendent, dès leur plus jeune âge, qu'elles en portent elles-mêmes la responsabilité.
Le rapport s'appuie sur des recherches qualitatives à long terme menées par Plan International, dans lesquelles 142 filles de neuf pays ont été suivies de leur naissance jusqu'à leur 18e anniversaire.
Ni inévitable, ni acceptable
Près d'une femme sur trois – soit environ 840 millions dans le monde – a subi une forme de violence domestique ou sexuelle au cours de sa vie. Un chiffre qui a à peine changé depuis 2000. Au sein du groupe de recherche, 91 % des filles déclarent avoir subi des violences, dont certaines dès l'âge de 11 ans.
À l'adolescence, beaucoup de filles considèrent ce type de violence masculine comme « un phénomène normal » et que « c’est comme ça ». Parmi les filles âgées de 14 à 15 ans, 68 % pensent que l'agressivité masculine fait partie intégrante de la vie.
Ce qui est encore plus inquiétant, c'est que la croyance selon laquelle les filles sont responsables de leur propre sécurité s'accentue à mesure qu'elles grandissent. Parmi les filles âgées de 14 à 15 ans, 57 % pensent que c’est à elles de se protéger contre les abus. Ce chiffre monte à 67 % lorsqu'elles ont entre 17 et 18 ans. Comme le dit Katerin*, 15 ans, dans le rapport : « Bien sûr que c'est elles qui doivent se protéger, car si elles ne le font pas, personne d'autre ne le fera. »
La recherche met également en lumière la façon dont les filles et les familles blâment souvent les victimes lorsqu'il y a des abus, en particulier lorsqu'une fille se comporte ou s'habille d'une manière qui diffère des attentes traditionnelles.
« Les adolescentes ne devraient pas voir le danger à chaque coin de rue, mais plutôt se concentrer sur les beaux aspects de la vie : se faire des amis, s'amuser, construire un avenir. Cette recherche montre que les filles du monde entier ne mènent pas une vie d'adolescente insouciante. Elles s'inquiètent de l'impact que leur façon de marcher, de parler ou de s'habiller pourrait avoir sur leur sécurité », déplore Isabelle Verhaegen, directrice de Plan International Belgique. « C'est pareil en Belgique. Regardez simplement à quel point nous sommes inquiètes et inquiets quand nos filles sortent et à quel point la situation est différente pour nos fils. Pensez au fait que nous disons à nos filles de faire attention en sortant et à nos fils de s'amuser. Nous ne devrions pas considérer cela comme normal. Le harcèlement sexuel et la violence ne sont ni inévitables ni acceptables. »
Les filles dirigent elles-mêmes le changement
Le 25 novembre, Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, marque le début des 16 jours d'activisme. Cette initiative continuera jusqu'au 10 décembre, pour clôturer avec la Journée des droits de l'homme. Pendant seize jours, nous faisons campagne dans le monde entier, à l'initiative d'UN Women, contre la violence basée sur le genre en ligne et hors ligne et tentons de briser ce cycle de violence et culpabilité.
Il est essentiel que nous impliquions les filles dans ce changement social. Le rapport appuie également ce postulat puisqu’il démontre que les filles elles-mêmes pensent que les comportements peuvent être influencés ou appris. Une fois adultes, 89 % des jeunes femmes croient fermement que les parents peuvent apprendre aux garçons à ne pas être violents ou agressifs. De 17 à 18 ans, les filles remettent en question ces idées négatives et réclament leur droit à des libertés égales, que ce soit à la maison, à l'école ou dans la rue.
Isabelle Verhaegen : « Quand nous apprenons aux garçons à construire des relations respectueuses et égalitaires et quand nous apprenons aux filles à connaître et revendiquer leurs droits, nous créons une nouvelle génération qui brise les barrières ensemble. Ce n’est qu'en agissant comme allié·e·s que nous pourrons construire un monde où chaque fille est vraiment libre. »
Le rapport We Shouldn't Have to Walk with Fear se fonde sur les résultats du projet de recherche qui a suivi 142 filles dans neuf pays – Bénin, Brésil, Cambodge, République dominicaine, Salvador, Philippines, Togo, Ouganda et Vietnam – de leur naissance à l'âge de 18 ans, en les interviewant chaque année ainsi que leurs familles sur leur attitude face à la violence et aux normes de genre.
(*) Prénom d’emprunt pour protéger la vie privée
