Partout dans le monde, les filles ne se sentent pas en sécurité en ligne
Selon une enquête menée par Plan International et CNN, une fille sur dix est confrontée à des comportements abusifs de manière répétitive.
On ne sait que trop bien que la sécurité en ligne et les comportements abusifs demeurent un problème dans notre pays. Mais une nouvelle enquête internationale, pour laquelle Plan International et l'émission ‘As Equals’ de CNN ont uni leurs efforts, révèle qu'il s'agit d'un problème mondial. En effet, près de 40 % des filles et des jeunes femmes âgées de 13 à 24 ans dans neuf pays étudiés en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie déclarent être harcelées au moins une fois par mois.
L’enquête Building Digital Resilience, menée en Bolivie, au Brésil, en Colombie, au Burkina Faso, au Kenya, au Malawi, au Népal, aux Philippines et au Timor-Leste, révèle également que 75 % des filles interrogées ont déjà vécu des expériences préjudiciables en ligne. Près de la moitié des personnes interrogées (44 %) ont déclaré avoir vu ou reçu des images ou des vidéos sexuelles non désirées, et une personne sur quatre (25 %) a été victime de discrimination ou de discours de haine. 11 % des personnes interrogées ont vécu (presque) quotidiennement des expériences néfastes en ligne.
Si les filles et les jeunes femmes font preuve de résilience numérique, elles estiment cependant qu'elles ne peuvent pas et ne doivent pas être les seules responsables de leur sécurité en ligne. Elles soulignent la nécessité d'un soutien structurel de la part des entreprises technologiques, des gouvernements, des autorités et de la société dans son ensemble. « Je pense que les propriétaires de plateformes telles que Facebook et WhatsApp pourraient élaborer des méthodes leur permettant d'identifier facilement les utilisateur·rice·s qui violent les droits d'une personne », suggère Maureen*, qui vit au Malawi.
Lorsqu'on a demandé aux filles et aux jeunes femmes sur quels sites web et plateformes elles avaient vécu des expériences dérangeantes, la plupart ont cité Facebook, suivi de WhatsApp et Instagram.
Impact sur le comportement numérique des filles
« L’internet est devenu très toxique », témoigne Althea*, 15 ans, originaire des Philippines. « Et il nuit à la santé mentale de ses utilisateur·rice·s ». Les chiffres le confirment : 35 % des participantes à l'enquête ont indiqué que ces expériences négatives en ligne les rendaient tristes, déprimées, inquiètes ou anxieuses. Le harcèlement, les contenus nocifs et l'environnement en ligne en général ont un impact sur le comportement des filles et, plus alarmant encore, sur leur santé mentale. Beaucoup d'entre elles perdent confiance dans les plateformes et pensent qu'elles doivent limiter leurs activités en ligne.
Le rapport de l'enquête montre clairement que les médias sociaux ne sont pas un espace sûr pour les filles, les jeunes femmes et les autres groupes opprimés, et que les mesures prises jusqu'à présent par les gouvernements nationaux et les entreprises technologiques pour lutter contre les abus et le harcèlement restent tout à fait inadéquates.
La sécurité en ligne est la responsabilité de chacun·e
« L'utilisation d'Internet et des médias sociaux est essentielle aujourd'hui. Sans Internet, vous ne pouvez pas rechercher des informations, suivre des cours, chercher du travail, ... Sans les médias sociaux, vous vous coupez de vos amis et de votre famille, de l'actualité, des gens qui partagent les mêmes idées que vous », explique Isabelle Verhaegen, directrice nationale de Plan International Belgique. « C'est vrai dans notre pays et dans les autres parties du monde. Le fait que les filles ne se sentent pas en sécurité en ligne, qu'elles soient confrontées au harcèlement sexuel et à d'autres comportements toxiques, a clairement un impact sur leur bien-être mental, mais aussi sur les opportunités qu'elles peuvent saisir. En se détournant de cette technologie par frustration, elles ont moins d'occasions de façonner leur vie ».
Il est clair que les mesures prises jusqu'à présent pour améliorer la sécurité en ligne des filles ne sont pas efficaces et que le rythme du changement est beaucoup trop lent. L’enquête de Plan International menée en 2020 a déjà montré que les filles et les jeunes femmes ont besoin que leurs familles et leurs communautés, les entreprises technologiques et les gouvernements agissent, les écoutent et les soutiennent avec toutes les ressources dont ils disposent. À l'époque déjà, Plan International appelait les gouvernements et la société dans son ensemble à surveiller strictement les abus. Il y a quatre ans, nous demandions déjà aux entreprises à l'origine des plateformes d'utiliser leurs compétences technologiques et leurs ressources financières pour placer la liberté en ligne des filles et des jeunes femmes en tête de leurs priorités. Aujourd'hui, nous constatons que peu pour ne pas dire aucuns progrès n’ont été réalisés en quatre ans.
Les entreprises doivent consulter les filles
« La protection des filles et des jeunes femmes en ligne, qu'il s'agisse de harcèlement sexuel, d'escroquerie financière ou de cyberintimidation, relève de la responsabilité de chacun·e », affirme Isabelle Verhaegen. « Nous demandons donc aux entreprises de médias sociaux de consulter les filles et de les impliquer dans la conception de leurs plateformes, notamment en ce qui concerne les mécanismes de signalement. Les autorités, y compris dans le domaine de l'éducation, devraient faire de la sécurité en ligne une priorité et mettre à disposition des personnes les connaissances et les outils dont ils et elles ont besoin pour être en sécurité en ligne. »
En septembre 2024, l'Assemblée Générale des Nations Unies se réunira pour le 'Sommet de l'avenir' et conclura un accord sur un 'Pacte mondial pour le numérique'. Ce document devrait « énoncer des principes communs pour un avenir numérique ouvert, libre et sûr pour tous », y compris l'application des droits de l'homme en ligne. En amont de ce sommet, Plan International travaille avec des filles et des jeunes femmes pour appeler les entreprises technologiques et les États à remplir leurs obligations de mettre en place un Internet digne de confiance et de rendre compte des discriminations et des contenus trompeurs. En collaboration avec les filles et les jeunes, Plan International a lancé un Girls’ Pact intégrant leurs recommandations pour un avenir meilleur.
* Les noms des filles sont fictifs afin de protéger leur identité.
À propos de l'enquête :
- Au total, 624 filles et jeunes femmes, âgées de 13 à 24 ans, originaires de neuf pays (Bolivie, Brésil, Burkina Faso, Colombie, Kenya, Malawi, Népal, Philippines, Timor-Oriental) ont répondu à l'enquête.
- 73 filles et jeunes femmes âgées de 13 à 24 ans du Brésil, du Malawi et des Philippines ont participé à des groupes de discussion.
- L'enquête complète, ainsi que les recommandations pour une meilleure sécurité en ligne, sont disponibles sur https://plan-international.org/publications/building-digital-resilience/
Plus d’informations sur le Summit of the Future des Nations -Unies et sur les recommandations de Plan International
À propos de l’émission As Equals de CNN
'As Equals' est une série de CNN qui vise à révéler à quoi ressemble l'inégalité systémique entre les genres. Chacun de nos grands défis mondiaux comporte une dimension de genre, comme le changement climatique, les inégalités économiques ou sanitaires, la montée des régimes autoritaires, les migrations de masse ou les biais algorithmiques. Un journalisme critique et tenace est nécessaire pour exposer tout cela. Avec des traitements de sujets sous-exposés dans des parties du monde sous-exposées, et rapportés par des voix sous-représentées, As Equals vise à mettre en avant des sujets tabous, à utiliser des présentations innovantes et à provoquer des changements. Avec une équipe dédiée, As Equals compte élargir la portée des reportages sur le genre en s'appuyant sur la réputation déjà établie de CNN en matière de journalisme indépendant, de grande qualité, mobile et stimulant, et en prévoyant une production sur toutes les plateformes de CNN, y compris les bulletins d'information et l'audio, les documentaires et les événements.