Les jeunes femmes en tant qu'artisanes de la paix : reconnaître leurs besoins et leur rôle spécifiques dans les conflits
Editorial de Plan International Belgique et Search for Common Ground
Chaque jour, dans les zones de conflit du monde entier, les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée par la violence, y compris la violence sexuelle, l'exploitation et le mariage d'enfants. Mais les femmes ne sont pas seulement des victimes passives, elles sont aussi des artisanes de paix. En d'autres termes, elles jouent un rôle crucial dans les processus de paix. En cette Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, les ONG Plan International et Search for Common Ground demandent que les besoins spécifiques des filles et des femmes soient reconnus au même titre que leur force dans les conflits.
Les filles qui vivent une situation de crise, comme un conflit ou une catastrophe naturelle, ont 2,5 fois moins de chances d'aller à l'école que les filles des pays qui ne sont pas touchés par une crise. Et lorsqu'il s'agit de personnes réfugiées, les filles ont deux fois moins de chances d'aller à l'école que les garçons. Outre ce désavantage en matière d'éducation, les femmes et les filles subissent également les conséquences très graves de la violence : 27 % des filles disent craindre d'être victimes de violences sexuelles. Chez les garçons, ce chiffre est de 17 %, selon des recherches récentes.
Les filles sont donc confrontées à des risques spécifiques. Ce n'est pas parce qu'elles sont ... des femmes.
« L'impact de la guerre est plus lourd sur les jeunes femmes, nous subissons tellement de choses. De nombreuses filles ont été violées pendant la guerre. De plus, par rapport aux garçons, nous consacrons la majeure partie de notre temps aux tâches ménagères, ce qui entraîne des charges supplémentaires. Toutes ces difficultés provoquent des dépressions chez de nombreuses jeunes filles. Je connais beaucoup de filles qui souffrent de maladies mentales », explique Dansha (17 ans), originaire d'Éthiopie.
Les acteurs humanitaires doivent être conscients de l'impact différent des conflits sur les filles et les femmes. Bien sûr, chaque victime est une victime de trop. Tout le monde souffre, mais il est important de comprendre que le genre a un impact. L'éducation sensible au genre, les écoles sûres, l'attention portée à la santé sexuelle et reproductive ainsi que les soins psychosociaux ne sont que quelques-uns des domaines de préoccupation en cas de crise ou de conflit.
Mais faisons le lien entre les deux. Les jeunes femmes ne sont pas seulement des victimes impuissantes. Leur énorme potentiel en tant qu'artisanes de la paix et de ponts est souvent négligé. Nous devons reconnaître leur pouvoir et les prendre au sérieux dans les discussions sur la paix et les conflits. Bien entendu, cela ne peut réussir que si leur sécurité est préservée.
Nous accordons une place privilégiée à l'expression des jeunes femmes comme Dansha et Bintu du Mali : « Il est vrai que les jeunes sont souvent les premières victimes des conflits. Les écoles fermées entravent notre éducation, l'insécurité restreint notre liberté. Mais ce qui me dérange le plus, c'est que nous ne sommes pas impliqués. Les adultes prennent les décisions, pensant savoir ce dont nous avons besoin. Laissez-nous parler en notre nom. Nous sommes des expertes par expérience ».
Cette approche n'est pas seulement une question de justice, c'est aussi une stratégie efficace. Les chiffres d'ONU Femmes montrent que lorsque les femmes participent aux processus de paix, les accords qu'elles aident à négocier ont 20 % de chance en plus de durer au moins deux ans, et la probabilité que ces accords durent 15 ans augmente de 35 %. Pourtant, les femmes sont encore largement exclues des négociations de paix officielles. Il s'agit non seulement d'une occasion manquée d'exploiter leur potentiel en tant que bâtisseuses de la paix, mais aussi d'une occasion manquée de créer des solutions plus durables aux conflits et des solutions qui prennent spécifiquement en compte les besoins des filles et des femmes.
Il est essentiel que les différents besoins des filles de différents groupes d'âge soient pris en compte dans toutes les interventions d'aide, en mettant l'accent sur l'éducation et la participation dans les situations d'urgence. Un dialogue systématique avec les ONG et les acteurs locaux est nécessaire pour comprendre pleinement la réalité sur le terrain.
En prenant ces mesures, nous pouvons nous assurer que les femmes et les filles ne sont pas seulement protégées contre la violence, mais qu'elles jouent également un rôle actif dans la construction d'un avenir dans lequel leurs droits et leurs opportunités sont au centre des préoccupations.
Hilde Deman, directrice exécutive Search for Common Ground
Isabelle Verhaegen, directrice nationale Plan International Belgique