Le changement climatique : un drame pour les adolescentes
Nouvelle étude Une Tempête qui s’Amorce montre que ce sont les filles et les jeunes femmes qui souffrent le plus de la crise climatique au Sahel.
Une nouvelle étude montre l'impact considérable des chocs et changements climatiques sur les adolescentes en Afrique de l'Ouest : aggravation de l'insécurité alimentaire et augmentation du taux d'abandon scolaire et du risque de violences sexuelles pour les adolescentes.
« Les effets du changement climatique ne sont pas répartis de façon égale dans le Sahel, l'impact ne s’y ressent pas de la même manière. Voilà la principale conclusion de notre étude », déclarent les Nigérianes Fatima et Halima lors d'une conférence internationale à Bruxelles, en présence de la reine Mathilde (décembre 2024). « Ce rapport est une fenêtre ouverte sur la réalité vécue par les adolescentes et les défis auxquels elles sont confrontées ».
L'étude Une Tempête qui s’Amorce a été réalisée en collaboration avec 25 jeunes co-chercheuses, dont Fatima et Halima. Elles ont recueilli les témoignages et le vécu d'adolescentes et de jeunes femmes (de 15 à 24 ans) dans cinq pays : Burkina Faso, Guinée, Mali, Niger et Nigéria(*). Le rapport de recherche brosse un tableau sombre de leurs expériences au Sahel et souligne l'urgence d'agir.
Mais cette étude met également en lumière la résilience et la détermination dont font preuve ces adolescentes pour trouver des solutions durables. Elle montre comment elles s'adaptent au changement climatique malgré les immenses défis. Le rapport encourage ainsi la poursuite de l'investissement dans l'action climatique auprès des filles du Sahel.
Abandon scolaire et violence sexuelle
Au Sahel, une région déjà ravagée par les conflits et où beaucoup ont dû fuir, l'impact du changement climatique est omniprésent. La hausse des températures, les sécheresses et l'irrégularité des précipitations détruisent les récoltes, exacerbent les pénuries de nourriture et augmentent ainsi la pauvreté. Les prix des denrées alimentaires sont en hausse et les puits se tarissent. « Nous n'avons plus assez à manger ; il n'y a plus d'arbres, nous ne pouvons donc même pas obtenir de bois pour faire cuire nos repas. Le fait que nous ne fassions du feu qu'avec des sacs ramassés nous cause beaucoup de maladies et d’inconfort. Nous mangeons parfois des repas crus et souvent des repas totalement parfumés par l'odeur des sachets (en plastique) », déplore une adolescente du Burkina Faso.
« Si en tant que fille, vous ne pouvez pas laver correctement le tissu que vous utilisez pendant vos règles, cela crée d'autres problèmes (de santé)»
Dans ce contexte, les filles témoignent également de l'impact sur leur parcours scolaire. « Nos salles de classe ne sont pas adaptées à la chaleur intense, ce qui signifie que nous ne pouvons pas nous concentrer et suivre les cours normalement », explique une adolescente malienne. En raison du changement climatique, les filles doivent consacrer trop de temps aux tâches ménagères, ce qui réduit leur capacité à aller à l'école.
Puisqu'elles doivent marcher plus longtemps pour atteindre des sources d'eau potables, les filles et les jeunes femmes sont exposées au harcèlement et la violence (également sexuelle). Pour assurer leur avenir, certain·e·s parent·e·s considèrent le mariage forcé et précoce comme la seule solution. « Si vos parents n'ont pas les moyens de subvenir aux besoins de votre famille, ils vous donnent très tôt en mariage », témoigne une jeune Malienne.
Les problèmes de santé observés sont également dus à la pollution de l'eau, la chaleur extrême et une mauvaise alimentation. La pénurie d'eau fait de l'hygiène menstruelle un défi supplémentaire pour les filles et les femmes, ce qui rend difficile la fréquentation de l'école ou la participation à des activités sociales. « Si en tant que fille, vous ne pouvez pas laver correctement le tissu que vous utilisez pendant vos règles, cela crée d'autres problèmes (de santé) », prévient une personne interrogée au Burkina Faso.
Une participation réelle et significative
« Cette nouvelle étude, basée sur les expériences de près de 1 000 filles, montre que ce sont les filles et les jeunes femmes qui souffrent le plus de la crise climatique au Sahel. Elles manquent l'école, subissent l'insécurité et la violence sexiste, sont confrontées à la pénurie d'eau, ce qui entraîne des problèmes de santé et d'hygiène. Nous appelons les gouvernements, les ONG et les donateur·rice·s à écouter les adolescentes et les jeunes femmes et prendre des mesures concrètes pour les soutenir dans leur leadership et leur résilience », demande Alasan Senghore, directeur régional de Plan International pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre.
« Partout, nous constatons l'impact dévastateur spécifique des crises (climatiques) sur les filles»
La reine Mathilde a également entendu ce message de la part de Fatima et Halima lorsqu'elles ont plaidé pour une participation active, lors de la conférence internationale de Bruxelles. « Nous appelons à une véritable participation des femmes et des filles aux processus de décision. Lorsque sont prises des décisions qui nous concernent vraiment, nous devrions être invitées à la table des discussions ».
Ineke Adriaens, directrice des programmes internationaux chez Plan International Belgique : « Dans plusieurs pays du Sahel, nous essayons d'autonomiser les filles tant sur le plan social qu'économique, afin qu'elles ne soient pas confrontées à la violence - y compris la violence sexuelle - et qu'elles puissent continuer à aller à l'école. Ce n'est qu'à cette condition qu'elles seront préparées à faire face à l'impact du changement climatique. C'est vrai au Niger, au Mali et au Sénégal, mais c'est tout aussi vrai dans les pays d'autres régions où nous sommes présent·e·s - le Malawi, le Viêt Nam ou la Bolivie, par exemple. Partout, nous constatons l'impact dévastateur spécifique des crises (climatiques) sur les filles ».
Le rapport est disponible sur : https://planinternational.be/fr-be/publications/limpact-du-changement-climatique-sur-les-filles-au-sahel


(*) A propos de la méthodologie : L'étude a été menée en deux phases. Dans une première phase - essentiellement une analyse documentaire - les chercheur·se·s se sont penché·e·s sur 10 pays du Sahel : Burkina Faso, Gambie, Guinée, Cameroun, Mauritanie, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal et Tchad. Dans un deuxième temps, 25 jeunes co-chercheuses sont allées à la rencontre de 472 adolescentes (15-17 ans) et jeunes femmes (18-24 ans) dans cinq de ces pays (Nigeria, Niger, Mali, Burkina Faso et Guinée). Elles ont également discuté avec 391 autres personnes pour étayer leurs récits par des photographies (« photovoice »).