« Laissez-moi être une enfant, pas une épouse » – Un nouveau rapport offre un aperçu unique de la vie après le mariage d’enfants
Encore 12 millions de mariages d’enfants chaque année
Le mariage d’enfants ou mariage précoce reste l’une des plus grandes menaces pour les droits des filles à travers le monde. Une nouvelle recherche inédite, menée par Plan International, révèle que ce type de pratiques néfastes pour les filles s’accompagne souvent de violences et les prive d’opportunités. À l’occasion de la Journée internationale de la fille (11 octobre), Plan International souhaite mettre en lumière cette injustice.
12 millions de filles à travers le monde sont mariées chaque année avant leurs 18 ans, même si la pratique est illégale dans la plupart des pays. Cela représente une fille mariée toutes les trois secondes dans le monde.
Intitulée « Laissez-moi être une enfant, pas une épouse – Le vécu des filles confrontées au mariage d’enfants », la dernière édition du rapport de Plan International sur la situation des filles dans le monde rassemble des expériences et des témoignages de filles et jeunes femmes mariées avant l’âge de 18 ans. Près de la moitié des répondantes (45 %) étaient mariées à un homme d'au moins 5 ans de plus qu’elles. Pour certaines, leur mari était de plus de 10 à 20 ans leur aîné.
Les chercheur∙ses se sont entretenu∙es avec des filles et jeunes femmes au Bangladesh, au Cambodge, en Indonésie, au Népal, en Éthiopie, au Mozambique, en Ouganda, en Zambie, en Colombie, en République dominicaine, au Guatemala, en Équateur, au Nigeria, au Niger et au Togo. Plus de 250 filles et jeunes femmes ont partagé leurs expériences personnelles du mariage d’enfants dans l’une des études les plus complètes du genre. Leurs histoires dévoilent les dommages causés par le mariage précoce.
Les filles mariées restent à la maison
Le rapport montre que les attentes sociétales considérant les filles comme de futures épouses et mères sont encore profondément enracinées et nettement présentes aujourd’hui. La grande valeur encore attachée à la fécondité et l’obéissance prive les filles de leur liberté et leur avenir.
La vulnérabilité des filles après le mariage est frappante. Elles sont souvent dominées par leur partenaire – plus âgé – et sa famille. 13 % des filles témoignent également avoir subi des violences conjugales.
Les filles doivent abandonner l’école après leur mariage et sont obligées de s’occuper des tâches ménagères. Le rapport a révélé que plus d’une fille sur trois (35 %) a abandonné l’école immédiatement à la suite de ou à cause de son mariage précoce. Sur l’ensemble des filles et des jeunes femmes mariées, 63 % ne vont pas à l’école, n’ont pas d’emploi et ne suivent pas de formation (ce que l’on appelle les « NEET » – ni à l’emploi, ni en enseignement, ni en formation).
Les filles mariées n’ont pratiquement pas accès à la contraception et aux services de santé. Elles sont souvent sous pression pour tomber enceintes dès que possible après leur mariage.
Pression sociale et... amour
Le mariage d’enfants est encore profondément ancré dans de nombreuses communautés du monde. Les difficultés économiques ou la pression sociale et familiale sont citées comme principale raison du mariage par 46 % des filles ayant participé à l’étude.
Mais il y a aussi l’amour : un nombre impressionnant de filles le mentionnent comme l’une des raisons du mariage. Cependant, il est important de nuancer ces propos : même si, enfant, elles pensaient que le mariage était leur propre choix, étant mariée au garçon de leurs rêves, rétrospectivement, elles citent la pression de la famille et de la communauté comme décisive. Un mariage vient « protéger » l’honneur et la réputation des filles – ce qu’elles regrettent souvent par la suite.
La législation est insuffisante
La loi peut-elle stopper le mariage d’enfants ? La recherche montre que les lois et les règlements sont insuffisants en eux-mêmes. Dans 14 des 15 pays étudiés, à l’exception du Niger, les mariages d’enfants sont déjà illégaux. Le manque de financement et la mauvaise application de la loi garantissent la poursuite de cette pratique. Souvent, il existe également des failles dans le filet législatif, permettant aux parents, aux tuteur∙rices et aux juges locaux∙ales d’accepter un mariage avant l’âge légal de l’enfant.
De plus, les liens informels sont particulièrement difficiles à détecter. Les mariages et les unions non enregistrés laissent les filles et les femmes sans protection en matière de pension alimentaire, de droits de propriété et de garanties juridiques.
Les mariages d’enfants ne devraient jamais être normalisés
« À l’occasion de la Journée mondiale de la fille (11 octobre, NDLR), nous appelons les gouvernements régionaux, belges et européens à prêter attention aux mariages d’enfants. Non seulement notre pays devrait encourager d’autres pays à interdire de tels mariages, mais nous voulons aussi qu’ils prennent en compte les droits des filles déjà mariées », déclare Isabelle Verhaegen, directrice de Plan International Belgique.
« Il y a dix ans, le Parlement fédéral s’est fermement opposé aux mariages d’enfants et aux mariages forcés, en particulier dans les pays partenaires de la coopération belge au développement. Dans le monde, une fille se marie encore toutes les trois secondes, ce qui représente 12 millions de filles privées de leur enfance chaque année. Le mariage d’enfants n’est pas normal et ne devrait jamais être considéré comme tel. Chaque fille devrait avoir la possibilité de choisir son avenir. Si nous voulons un monde dans lequel chaque fille est libre, alors cette forme extrêmement néfaste de violence fondée sur le genre – car c’est ce qu’elle est – doit cesser dès que possible. »
Le rapport complet est disponible ici. Vous pouvez télécharger un résumé exécutif ici.
